Semis direct et résistance des cultures aux maladies

Semis direct et résistance des cultures aux maladies
L. Séguy, S. Bouzinac, A.C. Maronezzi

Les relations “génotypes – facteurs du milieu” ont toujours constitué un pôle d’intérêt majeur, exercé une véritable fascination pour la recherche, mais les relations plante-parasite sont complexes interviennent en effet, en interaction, les facteurs génétiques (résistance variétale) le cycle physiologique de la plante, le photopériodisme, le climat, la nature du sol, la fertilisation et enfin les incidences des pesticides sur la physiologie de la plante.

L’homme peut cependant, agir de manière efficace par sa gestion des systèmes de culture, sur la plupart des facteurs du milieu qui conditionnent la santé des cultures.

Avec les techniques de semis direct qui ont été développées et ont donné naissance à de multiples systèmes de production de grains, intégrant ou non l’élevage, la gestion des facteurs du milieu a radicalement changé au Brésil au cours des 25 dernières années, sur des surfaces considérables (plus de 10 millions d’hectares sont en semis direct en 1999) ; outre les modifications qui portent sur les flux d’eau et la dynamique des cations et anions, les techniques de semis direct, permettent en toute situation pédoclimatique, de recharger le profil cultural en matière organique dont on connaît les propriétés essentielles pour la nutrition et la santé des cultures.

À un cycle d’érosion continue de la ressource sol, entre 1970 et 1990, a succédé un cycle de restauration, reconstruction, puis préservation de la fertilité et de la qualité des sols.


Le CIRAD-CA3, intervient sur l’amélioration des systèmes de culture dans divers écosystèmes du centre-ouest et de l’Ouest du Brésil depuis plus de 15 ans et a très largement contribué à la mise au point et à la diffusion des techniques de semis direct. Sa démarche de travail repose sur la création-diffusion de systèmes de culture novateurs toujours plus performants (conditions agronomiques et technico-économiques), pour, avec et chez les agriculteurs, dans leurs unités de production.

L. Séguy, S. Bouzinac, 1998

La pérennisation des systèmes a permis, après plusieurs années de fonctionnement, de cumuler les effets des techniques qui ont été parfaitement contrôlées, et donc de les évaluer rigoureusement.

AGRONORTE2, en collaboration avec le CIRAD’ a également, dans le même temps, créé du matériel génétique de pointe et notamment, des variétés de riz à haut potentiel; la sélection du matériel a été faite pour et dans des systèmes de culture pratiqués à la fois, en semis direct et avec préparation mécanisée des sols.

Le CIRAD CA a été le pionnier et le promoteur du semis direct en partenariat avec l’agriculteur Munefume Matsubara, sur les fronts pionniers du centre nord du Mato Grosso

L. Séguy, S. Bouzinac, 1998

De cette expérience, des tendances reproductibles notamment sur le comportement des cultures vis à vis des maladies, ont pu être identifiées ; c’est l’objet principal de ce court article.

1. La résistance du riz pluvial aux maladies fongiques est très nettement améliorée en semis direct.

Le cas du semis direct de riz sur couverture morte.

Le semis direct du matériel génétique a été effectué 2 années consécutives sur couverture morte d’Eleusine coracana, qui venait en succession de soja, l’année précédente ; le labour mis en comparaison, a été réalisé sur les mêmes précédents ; les composantes de l’itinéraire technique du riz pluvial sont égales dans les deux systèmes (date de semis, fumure, traitement de semences, herbicides, etc).

L’incidence des principales maladies cryptogamiques a été évaluée sur différents cultivars de riz (en présence d’une forte fumure azotée et sans fongicides), dont le niveau de résistance suivi au cours des deux années précédentes pour l’ensemble des maladies, est variable. Le tableau 1 résume les principaux résultats obtenus.

Tableau 1 – Niveau de résistance de 3 cultivars de riz AGRONORTE x 2 modes de gestion
du sol : semis direct (SD) et labour (L)
AGRONORTE – Sinop – MT -19971998
Notations (échelle IRAT/CIRAD – De 0 (indemne) à 9 (destruction totale de l’organe atteint).

De manière plus générale, des notations effectuées sur plus de 600 lignées (de F3 à F8, qui portent également sur la comparaison entre les 2 mêmes modes de gestion du sol, montrent une nette amélioration générale de la résistance du matériel génétique sur semis direct : des lignées considérées comme assez sensibles sur travail du sol peuvent être classées comme moyennement résistantes sur la parcelle voisine en semis direct.

Résistance de type horizontal (résistance généralement contrôlée par de nombreux gènes – polygénique).

L’impact sur la productivité du riz en semis direct est hautement significatif : de 23 à plus de 40% d’augmentation en fonction des conditions climatiques de l’année (tableau 1).

Le cas du semis direct de riz sur couverture vivante d’Arachis pintoi.

L’évaluation de l’impact du complexe parasitaire fongiques sur le riz pluvial a été effectuée entre parcelle labourée et parcelle en semis direct sur couverture vivante d’Avachis p., au cours du 1111- cycle cultural 1998/99.

La variété Best 3, qui a servi de matériel génétique de référence pour l’évaluation est classée comme assez sensible au complexe fongique (excepté à Rhynchosporium et cercospora) en présence d’usé forte fumure azotée (80 à plus de 100 Kg/N/ha) et en l’absence de protection fongicide finale à partir de (émission des premières panicules, comme dans les conditions de l’étude.

Les résultats réunis dans le tableau 2, mettent en évidence une amélioration très significative de la résistance de la variété Best 3 aux maladies sur !e semis direct qui se traduit à la fois par une augmentation nette de productivité, et une meilleure qualité de grains, totalement sains, sans tâches.

Tableau 2 – Niveaux de résistance du cultivar Best 3 au complexe fongique parasitaire x
2 modes de gestion du sol
AGRONORTE – Sinop – MT -1999

2. La résistance du coton (cultivar Deltapine 90), au complexe parasitaire de fin de cycles

Complexe parasitaire de fin de cycle – bactériose (Xanthomonas campestris), Ramulariose (Remularia areola), viroses (vermelhão et surtout maladie bleue, transmises par le puceron Aphis gossypii).

L’année climatique 1997/98 a été particulièrement propice aux attaques parasitaires dans le sud de (État de Goiàs, où le CIRAD-CA’ intervient sur la gestion de 1a culture cotonnière avec semis direct, en partenariat avec le Groupe MAEDA.

Les dégâts dus au complexe parasitaires6 (bacteriose, viroses) sur la culture cotonnière (variété Deltapine 90, très sensible aux viroses) ont été considérables puisque la productivité moyenne obtenue sur plus de 20 000 ha, qui est voisine de 2 500 Kg/ha les années climatiques plus favorables, est tombée à moins de 1 500 Kg/ha, en 1997198.

Dans ce contexte de pression parasitaire exceptionnelle, la même variété, DP 90, très sensible à cette pression sur 1a majorité des surfaces plantées sur travail conventionnel du sol (labour, scarification), s’est montrée pratiquement indemne sur couverture vivante d’Arachis pintoï, comme le montrent les résultats du tableau 3.

Cette parcelle d’un demi hectare qui a produit plus de 2 120 Kg/ha dans ces conditions, était saine, malgré qu’elle soit entourée de parcelles très touchées, pourries par le complexe parasitaire et qui ont, de ce fait, produit entre 950 et 1 330 Kg/ha.

En conclusion

Les trois exemples présentés tant sur le riz pluvial à haut potentiel dans la zone tropicale humide du centre nord du Mato Grosso que sur le cotonnier dans le sud de l’état de Goiàs, montrent que les techniques de semis direct peuvent permettre de réduire la pression des maladies fongiques et bactériennes.

Dans le cas du riz pluvial, l’amélioration de la résistance aux champignons est reproductible sur couverture morte d’Eleusine coracana.

La couverture vivante d’Arachis pintoi, dans deux conditions pédoclimatiques très différentes, permet, en semis direct, de réduire très significativement la pression du complexe parasitaire sur deux cultures aussi différentes que sont le cotonnier et le riz pluvial. Si il est bien trop prématuré pour formuler des conclusions sur les causes de l’amélioration de la résistance des cultures en semis direct sur couverture permanente du sol, on peut cependant faire quelques hypothèses à partir de la connaissance des mécanismes très différents de fonctionnement qui régissent le semis direct et le labour.

Maladies des appareils végétatif et reproducteur dont le complexe fongique des tâches de grains ,* Helminthosporium oryzae, Phoma sorghina, Drechslera

En premier lieu, une meilleure et plus stable régulation de l’alimentation hydrique et minérale de la plante sous semis direct peut permettre de minimiser l’importance des stress hydriques et par là même d’aider la plante à mieux résister aux agressions parasitaires.

En second lieu, l’alimentation minérale de la culture est très différente entre les 2 modes de gestion du sol et par voie de conséquence, la physiologie même de la variété. L’alimentation azotée de la culture est en particulier très fortement modifiée : alors que sur travail du sol, de fortes fumures azotées dès les 30 premiers jours du cycle favorisent une sensibilité accrue du riz à la pyriculariose foliaire, ces mêmes niveaux de fumure azotée, n’affectent pas le niveau de résistance des variétés mêmes sensibles, sur le semis direct. Ce fait, reproductible sur une très lange gamme de variétés à niveau de résistance variable, suggère que la nutrition azotée sur le semis direct est parfaitement régulée grâce à la prépondérance des mécanismes biologiques.

À l’inverse, sur travail du sol, la plante absorbe préférentiellement l’azote de l’engrais chimique et se dérégule en absorbant de l’azote en excès. Un excès d’azote soluble apparait dans les tissus foliaires (au même titre que les glucides solubles réducteurs) et constitue un plat de choix pour les champignons pathogènes. En absorbant très rapidement et en excès l’azote sur labour, la physiologie de la plante est profondément modifiée, et l’absorption d’autres nutriments est ralentie (L. Séguy, J.L Notteghem, 1981 – L. Séguy, S Bouzinac, 1989) ; cet état de déséquilibre favoriserait également les attaques parasitaires en provoquant un stress dans la plante qui accroîtrait sa sensibilité.

Comme de nombreux d’auteurs l’ont déjà depuis longtemps démontré (Pantanelli, 1921, Dufrenoy J., 1935, ;936; Chaboussou F., 1985) l’importance des éléments nutritionnels solubles dans la contamination et l’infection par les champignons pathogènes et les virus, est incontestable.

Plus largement, un état prédominant de protéolyse se trouverait lié aux maladies et inversement, la résistance serait en rapport avec une protéosynthèse dominante; les relations plante-parasite pourraient avant tout être d’ordre nutrionnelles (théorie de la trophobiose de Chaboussou, 1985).

Dans le cadre des techniques de semis direct qui vont devenir rapidement dominantes au Brésil, ces hypothèses méritent d’être approfondies.

Bibliographie

  1. L. Séguy, S. Bouzinac, A. Trentini. N.A. Cortês,1998 – Brazilian frontier agriculture –
    Special issue – Agriculture et développement – ISSN 1249-9951.
  2. L. Séguy, J.L. Notteghem, S. Bouzinac,1981 – Compte rendus du symposium sur la
    résistance du riz à la Pyryculariose – Montpellier, France – BP 5035 – CIRAD – P 139-152
  3. 3. L. Séguy, S. Bouzinac, 1989 – Les principaux fadeurs qui conditionnent la productivité
    du riz pluvial et sa sensibilité à la Pyriculariose sur sois rouges ferrallitiques d’altitude,
    Goiânia – GO – Doc. interne CIRAD – BP 5035 – Montpellier – France.
  4. 4. F. Chaboussou, 1985 – La santé des cultures – Flammarion, la maison rustique, Paris,
    ISBN 2-7066-01-50-7.

Document obtenu sur le site Cirad du réseau http://agroecologie.cirad.fr

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