Mon maître, mon juge, mon centre d’inspiration principal, c’est la Nature, sous sa complexité la plus grande. Vous avez une question à poser, posez-la à la Nature et elle vous répondra ; il faut simplement faire quelques manip’ pour qu’elle vous réponde et le faire de manière scientifique pour comprendre pourquoi cette réponse, ce qu’elle veut dire exactement ». Ainsi s’exprimait Lucien Séguy en ouverture de son cours-conférence de deux jours donné aux étudiants de la spécialisation AGREST en 2016, à l’ENSAT. Je ne connaissais pas Lucien depuis longtemps mais déjà son discours franc, imagé mais clair, suintant dans chaque phrase son immense expérience de terrain doublée de bon sens, de pragmatisme et de réalisme, me fascinait. J’ai eu la chance de le rencontrer plusieurs fois par la suite, d’échanger beaucoup avec lui après nos escapades respectives dans les champs du Sud-Ouest et d’ailleurs en France, comme des tropiques latino-américains ou asiatiques, et c’était non seulement un plaisir mais une occasion unique pour moi de parfaire mes connaissances et de me faire expliquer ce que j’avais entendu et observé. Revoyant aujourd’hui la vidéo (condensée) de son intervention à l’Agro Toulouse (merci Grégory Dechamp-Guillaume, merci Christophe de Heaulme !), ayant moi-même affiné mes connaissances théoriques et pratiques sur l’agriculture de conservation des sols, je mesure mieux à présent la pertinence de ses intuitions initiales qui quelque part, me rassurent et m’expliquent bien des choses… Je mesure aussi la puissance de l’expérience du terrain et cela me conforte aussi, mais surtout lorsqu’elle est vécue sous les tropiques, où, comme le disait Lucien et me l’avait déjà démontré son disciple Olivier Husson, tout est exacerbé et tout va beaucoup plus vite qu’ici, ce qui aide à comprendre.
Je ne suis pas le mieux placé pour retracer le parcours professionnel exceptionnel de Lucien Séguy, mais une chose est sûre : cet agronome hors pair, qui a su conjuguer sous toutes les latitudes ou presque, savoir scientifique et observations empiriques, était un humaniste et un idéaliste, presque un alchimiste. Que tous les AgroToulousains qui marchent et marcheront dans ses pas, s’inspirent de son œuvre, pour l’avènement d’un pacte salutaire et fécond entre la Nature et l’Homme, dont les générations futures ont, dès maintenant, urgemment besoin.
Jean-Pierre Sarthou
Professeur d’Agronomie et Agroécologie à l’INP-ENSAT