Quels CONTREFORTS aux PILIERS de l’ACS : une réponse en HOMMAGE àHERBERT BARTZ

https://agritrop.cirad.fr/598156/1/Martin_Jos%C3%A9_agriculture-de-conservation_contreforts.pdf

Par M. José Martin :

Cirad_ien, quasiment en pré-retraite à
Montpellier, José Martin a bossé sur coton,
arachide et canne à sucre en Afrique, Amérique
du Sud et à La Réunion, sans abandonner le
contrôle des adventices à l’intendance des
projets de R-D et sans occulter le problème de
l’érosion des sols, trop souvent relégué en angle
mort de nos approches

Dans leur dossier très complet sur
l’agriculture de conservation et
régénération des sols (ACS), les
enseignants-chercheurs
agrotoulousains Jean-Pierre
SARTHOU et Ariane CHABERT
(TCS n° 109) considèrent qu’il
conviendrait de décrire sous un autre
angle les trois piliers conceptuels de
l’ACS (photos n°1). Au moins dans le
cas des systèmes « aboutis », c’est-à dire stabilisés après une période de
transition plus ou moins longue et se
bonifiant en régime de croisière ; en
insistant d’abord sur les deux piliers
d’addition (davantage de biomasse à
recycler en couverture des sols
vivante ou morte – et davantage
d’agrobiodiversité dans les rotations
et assolements, incluant cultures marchandes et de service) ; sans pour autant occulter
l’importance du seul pilier de soustraction, « traditionnellement » cité en premier, celui du
NO-TILL c’est-à-dire du renoncement au travail du sol (avec remisage des charrues et des
pulvériseurs à disques). En effet, la régénération des sols par les systèmes ACS dépend
directement des piliers d’addition : les systèmes ACS aboutis génèrent de l’auto-fertilité et
de multiples services écosystémiques. Point de bonification à attendre sans augmentation du
volant de la phytomasse en jeu et de sa diversité ; ainsi, le système de culture devient plus
performant et efficient en production de denrées agricoles mais aussi en production de sols
vivants.

La suppression du travail du sol ne suffit pas à bonifier les
sols
Le questionnement de Jean-Pierre SARTHOU et Ariane CHABERT sur la hiérarchie entre piliers
conceptuels rejoint une préoccupation qui minait Lucien SEGUY, cet « agronome du génie
végétal » (TCS n°108), lorsqu’il déplorait « la symphonie inachevée du semis direct » au Brésil
https://agritrop.cirad.fr/546845/ (https://agritrop.cirad.fr/546845/) ou ailleurs : des couverts s’ils
sont trop maigres ou fugaces, des rotations trop courtes proches de la monoculture, sont
insuffisantes à bonifier les sols ; préoccupation d’ailleurs partagée par d’autres figures plus
académiques du semis direct au Brésil. La suppression du travail du sol ne suffit donc pas à
bonifier les sols. Les statistiques mondiales sur les surfaces en agriculture de conservation, qui
reposent essentiellement sur le pilier soustractif du no-tillage, recouvrent de facto une énorme
variabilité sur l’importance relative des deux piliers additifs, piliers parfois réduits à de maigres
baguettes sans magie et sans pouvoir bonifiant.
La définition trinitaire de l’ACS universellement reconnue par la FAO depuis le début des
années 2010 provient de la définition conceptuelle du SPD « sistema plantio direto »
brésilien en tant que « système » consensuellement adoptée une vingtaine d’années auparavant
par l’EMBRAPA (recherche agronomique fédérale brésilienne), l’IAPAR (recherche
agronomique de l’état du Paraná) et autres organismes de recherche, sur une proposition du
même Lucien SEGUY : le détail de cette genèse n’est cependant pas bien rapporté dans la
littérature historique sur l’ACS, ni même dans la littérature brésilienne sur le SPD, mais cela fut

pourtant relaté ainsi, verbalement, par le Dr Luis C. HERNANI de l’EMBRAPA – j’en fus un
témoin direct – en octobre 1999 à l’Université Fédérale de la Grande Dourados, Mato Grosso du
Sud, Brésil, lors d’un cours de phytotechnie cotonnière destiné à des professionnels de la filière
coton à titre de formation continue.
La définition du SPD fut adoptée à la charnière des années 1980-90 par les chercheurs
brésiliens a posteriori de sa mise en pratique par bien des agriculteurs à un moment où de
facto « l’intendance suivait » en matière d’agromécanique et d’agrochimie. En effet,
plusieurs entreprises brésiliennes fabriquaient déjà des semoirs de semis-direct de haute
technologie ; des herbicides nationaux étaient déjà produits sous licence : notamment du
glyphosate depuis 1984 dans le sillage du paraquat qui lui précéda comme désherbant total non
systémique, ainsi que de nombreux herbicides sélectifs des principales cultures. Ces prérequis
techniques – constamment améliorés – étant dès lors considérés comme acquis, l’effort dans les
cercles plus académiques pouvait se concentrer sur la formalisation conceptuelle : acter le
changement de paradigme cultural et culturel ; soit : renoncer (soustraction) aux lits de semence
finement émiettés et préparés en plein sur les grandes largeurs, adopter (addition) les semis sur
des sillons discrètement et proprement ouverts dans des litières grossières et adopter également
(addition) des cultures non marchandes de plantes de couverture intercalées entre – ou associées
avec – des cultures marchandes en rotation. Autrement dit, les trois piliers du SPD pouvaient être
érigés sans se soucier des contreforts agromécaniques et agrochimiques désormais garantis et en
amélioration constante.

L’agriculture « paillarde » !
Tel n’était absolument pas le cas dans l’état du Paraná des années 1960-70 au sud du Brésil,
en cours de déboisement intense pour la production de grains (réforme des caféières et
déforestation encouragée par le gouvernement) et dès lors soumis annuellement à un intense
travail du sol moto-mécanisé par des producteurs issus de l’émigration européenne. Cependant,
avec leur climat subtropical à pluies violentes et leur topographie vallonnée (paysage de coteaux,
comme dans le Gers), ces producteurs velléitaires engagés à fond dans l’agriculture moderne
façon révolution verte furent très vite confrontés à de sérieux problèmes d’érosion des sols. Il
fallut cette nuit de violent orage de 1971 où celui qui allait devenir le tout premier des
pionniers brésiliens du SPD, catastrophé par la dévastation de ses semis de soja, comprit –
tournant radical – qu’il fallait cesser d’écorcer et écorcher le sol et cesser de l’exposer à
l’agressivité des intempéries ; il acquit cette nuit-là la conviction que pour conserver un sol, il
faut en préserver la couverture et la cohésion en évitant de le dénuder et de l’émietter ; en fait, le
protéger en le gardant couvert avec les résidus de la récolte précédente et – in fine – se résoudre
et s’ingénier à semer directement dedans. C’était le très regretté, affable et amical HERBERT
BARTZ dont le décès récent (le 29 janvier 2021 à presque 84 ans) a endeuillé toute la
communauté des « clubes dos amigos da terra » (clubs des amis de la terre) et de la puissante
FEBRAPDP Fédération Brésilienne de Semis Direct sur la Paille (https://febrapdp.org.br/
(https://febrapdp.org.br/)), communauté gravitant autour du ver de terre « a minhoca » promu en
mascotte. Semis direct sur la paille, paillis ou paillasse, qu’on pourrait traduire – stricto sensu –
par « agriculture paillarde » !
Forcé de s’engager et persévérer dans la voie du sans labour

Ce germano-brésilien né au Brésil, élevé en Allemagne où il connut la faim et le froid et survécut
au bombardement de Dresde, revint au Brésil en 1960 pour s’engager en agriculture sur les terres
acquises par son père, alors qu’il n’avait travaillé que dans la petite entreprise familiale de
démolition (des dégâts de la guerre) et venait de s’inscrire à Aachen en faculté de génie
civil /hydraulique ! Il se documenta alors sur l’agriculture et découvrit in libris les notions
d’engrais verts et de « minimum tillage » ou « optimum tillage » qui n’étaient pas encore passées
dans les pratiques agricoles. Ces techniques étaient expérimentées en Angleterre et
commençaient à être pratiquées aux USA à la faveur dans les années 1950 du lancement par la
firme anglaise ICI (Imperial Chemical Industries) du paraquat, premier désherbant total sans effet
résiduel valant alternative à l’effet nettoyant des labours (notion de labour chimique). Ces
techniques commençaient aussi à être travaillées par la recherche brésilienne dans le Paraná près
de chez lui à Londrina avec l’ingénieur de la coopération technique allemande Rolf DERPSCH.
C’est ainsi qu’après cette terrible dévastation orageuse, à 34 ans, Herbert BARTZ va rencontrer
Rolf DERPSCH et les représentants de la firme britannique ICI ; il résout de voyager en
Angleterre et aux USA, s’endette sur plusieurs années pour payer son voyage. En 1972 il visite
en Allemagne une foire agricole, en Angleterre des réalisations expérimentales ICI encore
insuffisamment convaincantes (station de Fernhurst) mais découvre aux USA des réalisations
fermières vraiment convaincantes car déjà déployées à échelle commerciale. En effet, par
l’entremise d’ICI il rencontre aux USA Shirley PHILIPS, vulgarisateur universitaire, qui
l’accompagne chez Harry YOUNG Jr., un agriculteur pionnier à Herdon (Kentucky) : rencontre
déterminante, il arpente avec eux de beaux maïs cultivés sans labour sur résidus de récolte et
découvre en action le semoir ayant permis cet exploit, un ALLIS-CHALMERS dont il
s’empresse de commander un exemplaire en configuration maïs et soja (photo 3b) sans savoir
comment il s’arrangera pour le payer. De retour au Brésil, coup de malchance, le front froid
hivernal remonte très haut et son blé gèle sur pied : à court d’argent il décapitalise en vendant du
matériel agricole, dont ses outils de travail du sol et se retrouve ainsi forcé de s’engager et
persévérer dans la voie du sans labour : élément de méthode non intentionnel ou
rétrospectivement coup de pouce du destin ?
De la persévérance il lui en fallut, pourtant, et sur plusieurs années, car malgré le paraquat
appliqué au semis, l’enherbement greva sévèrement le rendement de sa première récolte de soja
sans labour, qu’il faillit de surcroît ne pas pouvoir vendre, à cause du paraquat que faute de
solutions alternatives il appliqua aussi par endroits en dirigé entre les rangs, non sans effets
collatéraux. L’année suivante, faute d’herbicides sélectifs du soja disponibles au Brésil, il en fit
venir à travers le Paraguay, situation qui dura encore une paire d’années avant la libération au
Brésil d’herbicides soja d’abord de pré-levée puis enfin de post-levée en 1977. Avancée
décisive : les rendements décollèrent, la restitution au sol par les racines et les résidus
aussi ! Heureusement qu’il était sur les meilleurs sols du pays (même si acidifiés et carencés en P
et K), formés sur d’anciennes coulées basaltiques, le « filet mignon » des terres brésiliennes au
dire des brésiliens, les « sols ‘chocolat’ » au dire de Lucien Séguy. Sans quoi, l’entreprise aurait
probablement sombré.
Pour semer le blé dans les résidus de soja, d’abord peu abondants et assez labiles, et dans ceux
de maïs plus encombrants et persistants, il dut scier les houes rotatives de son semoir Rotacaster
si bien que le blé se retrouva semé quasiment sans enfouissement, dans des sillons à peine
marqués, très superficiels. Cela dura jusqu’en 1979 où il acheta et améliora un prototype de
semoir Semeato adapté pour le semis direct, précurseur de la gamme Semeato TD des semoirs de
semis direct pour céréales à paille (‘semeadora’, littéralement semeuse) ; deux à trois ans après il
remplaça son Allis-Chalmers peu adapté aux sols lourds de chez lui par un Turbo MAX, premier semoir brésilien de semis direct pour grosses graines (‘plantadeira’, littéralement planteuse).

Le choc pétrolier de 1973 conforta HERBERT BARTZ dans
son choix
Quand HERBERT BARTZ se lança à semer sans labourer, ses voisins le crurent devenu fou.
C’est qu’à l’évidence, il était en avance sur l’intendance ! Conscient de cette situation, il mit
d’emblée en intercampagne son Allis-Chalmers et son expérience à la disposition des ingénieurs
brésiliens pour qu’ils s’en inspirent pour en fabriquer au Brésil. Le choc pétrolier de 1973
conforta HERBERT BARTZ dans son choix, le labour étant très gourmand en énergie. Dès
1976 deux autres agriculteurs originaires de la grande région agricole de CAMPOS GERAIS –
toujours dans le Paraná mais sur sols sur grès beaucoup plus maigres- s’inspirèrent d’HERBERT
BARTZ et à eux trois ils conformèrent le trio des pionniers emblématiques – piliers vivants – du
développement des SPD brésilien (photo n°2).
A leur tour, ces nouveaux pionniers en inspirèrent
d’autres, dont Lucien SEGUY en zone tropicale,
dans la nouvelle frontière agricole subamazonienne, travaillant en recherche-action avec
des particuliers ou des coopératives sur les engrais
verts dans des rotations avec labour dressé non
repris (sans émiettement) ; dès lors « l’agronome du
génie végétal » incorpora dans son dispositif
expérimental des systèmes sans labour et convertit
ainsi les engrais verts en couvertures végétales
(mulch), avec le succès que l’on sait (TCS n°108,
pages 31-32). Les cultures de couverture, seules ou
associées, se généralisèrent à travers tout le Brésil
dans les années 90 (photo 3a), car l’enjeu était
énorme : stopper l’érosion et la dégradation des
sols agricoles des immensités brésiliennes.
Une révolution doublement
verte !
Dès lors du sud au nord du Brésil, une
dynamique imparable était lancée, soutenue par
les institutions et fondations de recherche agrotechniques, avec de avancées substantielles sur les
plantes de couverture (tropicales et subtropicales)
relayées par des entrepreneurs visionnaires, des
associations dynamiques et de nouveaux pionniers
devenant autant de référents locaux. Des jours de
champ multitudinaires et des foires de grande
ampleur attirèrent dès les années 1980-90 des
responsables de la FAO et de la Banque Mondiale

(avec le Ciradien Christian PIERI) et de nombreux
visiteurs étrangers, y compris nord-américains et
européens ; entre autres, une des figures de la
révolution verte, Norman BORLAUG prix Nobel de
la paix 1970 pour ses travaux sur l’amélioration
génétique des blés, qui lors de son second voyage au
Brésil en 1994 déclara admiratif : « la deuxième
révolution verte est en marche dans les savanes du
Brésil » : en fait une révolution doublement
verte !
L’agromécanique connut un remarquable essor
grâce aux interactions entre
entrepreneurs et ingénieurs,
concessionnaires et revendeurs,
agriculteurs et tractoristes – véritable
saga nationale où HERBERT BARTZ
garda un protagonisme important :
toute une diversité de semoirs de semis
direct, de pulvérisateurs à bas volume,
mais aussi de rouleaux à cornières pour
rabattre les couverts. Cette
agromécanique adaptée aussi bien aux
besoins des très grandes « fazendas »
qu’à la traction animale voire aux
semis manuels (avec les cannes
planteuses) acquit au tournant des
siècles un rayonnement international :
ainsi du « rolofaca » (littéralement
rouleau à couteaux) qu’on retrouve à
présent dans le jargon français, et des
fameux semoirs SEMEATO, inspirés
trente ans plus tôt des semoirs
américains importés par les tout
premiers pionniers, qui ont à leur tour inspiré les constructeurs européens après leur introduction
en France à l’instigation de Lucien SEGUY.
Parallèlement, les grandes multinationales de l’agrochimie diversifièrent leurs gammes
d’herbicides sélectifs positionnables en SPD, notamment avec des produits de post-levée
suffisamment sélectifs pour la culture considérée et la culture suivante ; les formulations des
désherbants totaux furent améliorées pour permettre le dessèchement rapide des couverts dans les
séquences de « aplica e planta » ou « planta e aplica » (semis sur un couvert tout juste – ou pas
encore – desséché).
Il est donc clair que le développement des SPD brésiliens s’est appuyé sur deux rampes de
lancement et de soutien : l’agromécanique, notamment pour les semis, et l’agrochimie,
notamment celle des herbicides, sélectifs pour les cultures et totaux pour le dessèchement
des couverts à neutraliser pour permettre le démarrage de la culture suivante (photo 3c)
Rampes de lancement et de soutien valant contreforts trop souvent passés sous silence lorsque les
trois principes des SPD brésiliens prennent la lumière et sont symboliquement érigés en piliers de

l’ACS marqués du sceau de la FAO (photos n°1).
Passons sur le tsunami des cultures transgéniques de
soja et coton résistantes au glyphosate qui au tournant
des siècles a commencé à déferler sur les deux
Amériques ; il a conduit à surutiliser le glyphosate,
d’abord pour détruire leurs couverts d’avant culture et
les convertir en paillis, puis pour désherber ces
mêmes cultures en post-levée, en une puis deux
applications. Grisée par son audace, l’agriculture
brésilienne a négligé la prudence ancestrale des
agriculteurs consistant à ne pas mettre tous ses œufs
dans un même panier. Diversité rime avec sécurité et
durabilité, hégémonie et monotonie risquent de rimer
avec agonie. Dans son poème d’éloge funèbre à
HERBERT BARTZ, John LANDERS autre figure
historique de l’ACS au Brésil (https://febrapdp.org.br
/noticias/1001 (https://febrapdp.org.br/noticias
/1001)), n’a pas manqué d’insérer un quatrain
d’humilité, renvoyant à notre vulnérabilité au
dérèglement climatique, autant par déluge que
sécheresse, et à nos excès, puisqu’il y fait rimer
« chuva » (la pluie) avec « buva », ces
vergerettes sans diminutif qu’on trouve au Brésil
déclinées en trois espèces : Conyza bonariensis, C.
canadensis et C. sumatrensis. La troisième est
devenue une plaie végétale très redoutée avec des
occurrences de biotypes résistant à jusqu’à 5 modes
d’action herbicides ! (http://www.weedscience.org
/Pages/Species.aspx (http://www.weedscience.org
/Pages/Species.aspx))

L’agriculture européenne plus
prudente
Fort heureusement, l’agriculture européenne plus
prudente, a beaucoup moins misé sur le
glyphosate, qui depuis longtemps n’est plus appliqué
directement sur les cultures (comme ce fut le cas à ses
débuts, pour nettoyer les ronds verts dans les céréales
dorées avant la moisson) et reste appliqué – avec
parcimonie – sur jachères et couverts en ACS. La
gestion des couverts, de plus en plus diversifiés en composition spécifique et en modalités
d’insertion dans les systèmes de culture, est elle-même de plus en plus diversifiée, et n’est donc
pas nécessairement dépendante du glyphosate ; des moyens alternatifs sont potentiellement
mobilisables, certains naturels (génie agroécologique), d’autres artificiels (génie agromécanique),
avec en contrepartie dans ce dernier cas consommation accrue d’énergie fossile, moindre

rendement de chantier et calendriers culturaux plus contraints. Il ne serait donc pas raisonnable
d’abattre le contrefort agrochimique de l’ACS car peu ou prou le recours aux herbicides en
général, et au glyphosate en particulier, reste de facto indispensable dans le contexte de
l’agriculture européenne. Loin de pouvoir rompre d’un seul coup comme le fit HERBERT
BARTZ en 1971 avec un maximum de risques et de façon tout à fait exceptionnelle dans
l’histoire de l’agriculture universelle, la plupart des fermes se projettent graduellement et à
moindre risque dans le temps long, en termes d’évolution structurelle et fonctionnelle : en
témoignent régulièrement les reportages si bien documentés publiés dans chaque numéro de TCS
ou de la France agricole.

Ne taclons pas le bon sens paysan
L’ACS est souvent citée et conviée lorsqu’il est question d’agroécologie, d’agriculture
climatiquement intelligente et du 4p1000 (quatre pour mille), cette très intéressante initiative
française de R & D lancée par Stéphane LE FOLL lorsqu’il était ministre de l’agriculture,
initiative devenue désormais internationale (ouvrages des éditions QUAE, numéro spécial de
Cahiers Agricultures). A chacune de ces occasions, les fameux piliers de l’ACS sont mis en
exergue avec force développements écologiques, mais les contreforts agromécaniques et
surtout agrochimiques y sont rarement évoqués, l’intendance étant supposée suivre ;
comme si l’agriculture était seulement faite de l’écologie des cultures et des couverts et n’était
pas aussi une affaire d’arts et métiers, contingente de l’activité des agriculteurs et des moyens
matériels et humains qu’ils mobilisent pour cela. Et même si l’ACS diversifie de manière de plus
en plus performante ses couverts et leurs modalités de gestion, et ce faisant devient de moins
dépendante des herbicides en général et du glyphosate en particulier, elle n’est pas encore, loin
s’en faut, apte à se passer complètement, dans toutes les situations et de façon permanente, de
glyphosate. « L’ACS gaillarde » avance (gestion des couverts encore vivants), mais elle est
encore largement adossée à « l’ACS paillarde » sur couverts souvent encore desséchés au
glyphosate. Le dossier glyphosate, désormais porté par un consortium de firmes, sera réexaminé
par l’union européenne en 2022 (https://www.glyphosate.eu/fr/ (https://www.glyphosate.eu/fr/)).
Alors ne taclons pas le bon sens paysan, ne bridons pas la tolérance des lumières, et
arbitrons avec les bilans de carbone à promouvoir en juges de paix, et les vers de terre du
grand Darwin en témoins.
Garder les sols, dans leur intégrité et bien vivants : maximiser leur verdure, leur volant de
phytomasse et leur agrobiodiversité, les bonifier en les rechargeant en carbone et par ricochet en
azote et autres nutriments (auto-fertilité) ; pour une agriculture plus performante, plus résiliente
aux dérèglements climatiques et atténuatrice du réchauffement global ; quitte pour cela à utiliser
à la marge, avec parcimonie et à bon escient, un peu d’irrigation et de chimie, glyphosate inclus :
c’est l’appel d’Alain DUPHIL, agronome et agriculteur céréalier aux confins de la Garonne et de
l’Ariège, appel aux accents presque gaulliens pour la France et au-delà pour la Planète car la
maison brûle et nous tergiversons (la France Agricole, 29 janvier 2021, page 11). N’est-il pas en
effet grand temps de se lever comme de Gaulle en 1940, et de faire face comme le fit HERBERT
BARTZ en 1971-72, pour garder ses sols chez lui et les aggrader, et ainsi pouvoir vivre
durablement et dignement du travail de sa terre conservée et bonifiée. Car en s’ingéniant et
s’efforçant à garder et bonifier sa terre sur sa ferme, HERBERT BARTZ prit progressivement
conscience de la dimension planétaire et de la portée climatique du développement de l’ACS, ses
lectures d’Alexander Von HUMBOLDT le naturaliste, géographe et explorateur allemand qu’il

admirait tant l’y avaient sans doute prédisposé. Repose en paix, HERBERT BARTZ, en ta
généreuse terre brésilienne tant aimée, tu auras bien mérité de l’agroécologie bien comprise,
celle qui gardant et bonifiant la terre, nourrit les terriens, clarifie les eaux et adoucit le climat

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